Le cinéaste français Paul Vecchiali est décédé

Icône d’un cinéma en rébellion qui restait en partie dans l’ombre, l’artiste qui avait fait du mélodrame son domaine de prédilection est décédé à 92 ans.

Une conscience aiguë de la mort traverse les films de Paul Vecchiali, icône d’un cinéma rebelle, réflexif et émotionnellement excessif, l’un des rares en France. Le cinéaste est mort mercredi 18 janvier à 92 ans, a annoncé au Monde son producteur et l’un de ses proches. S’il n’a pas toujours reçu la reconnaissance qu’il méritait, son œuvre était néanmoins appréciée des connaisseurs et même revendiquée comme une influence majeure par toute une galaxie de jeunes disciples (Axelle Ropert, Laurent Achard, Serge Bozon, Yann Gonzalez, etc).

Son domaine de prédilection est le mélodrame, un genre qui favorise les tempêtes émotionnelles et toutes sortes de déviations et d’exagérations. Il a livré des bijoux tourmentés, sombres, douloureux et racoleurs, comme les magnifiques Corps à cœur (Drugstore Romance, 1978), Rosa la rose, fille publique (1985) ou Once More (1987). Surtout, il laisse un héritage d’indépendance artistique, ayant produit et distribué non seulement ses propres films mais aussi ceux des autres, grâce à sa société Diagonale, l’un des rares collectifs de création du cinéma français.

Né le 28 avril 1930 à Ajaccio (Corse), Paul Vecchiali grandit à Toulon, auprès d’une mère institutrice et d’un père épargné par la Grande Guerre et qui, après celle-ci, sera accusé de collaborationnisme. Sa rencontre avec le cinéma est précoce, à l’âge de six ans : en regardant Mayerling (1936), d’Anatole Litvak, il a le béguin pour la pétillante Danielle Darrieux, dont il devient un fan inconditionnel. Quelque 47 ans plus tard, il confie à la légendaire actrice le rôle principal d’En haut des marches (1983), dans lequel il incarne sa mère, qu’il imagine de retour à Toulon pour achever sa vendetta contre ses ennemis passés.

Formé à l’Ecole Polytechnique, il est appelé en Algérie en 1956, où il dirige plusieurs chantiers de construction, aiguisant un sens de l’organisation qu’il utilisera plus tard sur les plateaux. De retour à Polytechnique en 1961, mais cette fois en tant qu’instructeur, il fréquente le Studio Parnasse, haut lieu de la cinéphilie parisienne, où il rencontre le futur cinéaste Jean Eustache. La même année, il tourne son premier long métrage avec Nicole Courcel et Michel Piccoli, Les Petits Drames, malheureusement perdu à l’arrivée.

Tout au long des années 1960, Vecchiali partage son temps entre plusieurs activités qui resteront toujours intrinsèquement liées. En 1963, il rejoint les Cahiers du cinéma, la prestigieuse revue à la couverture jaune où il écrit sur ses cinéastes préférés (Robert Bresson, Jean-Luc Godard, Jacques Demy). Il produit également les premiers moyens métrages de son collègue « parnassien », Jean Eustache, Les Mauvaises Fréquentations (1964) et Le Père Noël a les yeux bleus (1966). Il se consacre enfin à ses propres films, passant allègrement du court au long métrage, du grand au petit écran. Pour lui, la critique, la production et la réalisation ne sont que des façons différentes de regarder le cinéma, dans ses pensées et ses gestes, autant que dans les chiffres. Il a également travaillé sur de nombreux romans-photos, loin d’être anecdotiques, puisqu’il y a rencontré l’une de ses actrices préférées, Hélène Surgère.